• Ciudad Juárez, un "no (wo)man’s land"...

     

    La frontière USA-Mexique est depuis quelques années le terrain d’un spectacle des plus répréhensibles et révoltants : les féminicides, comme ils sont appelés, font rage dans la ville de Juarez (Ciudad Juárez), dans la province de Chihuahua. Présentation d’un phénomène qui remet en question nombre de notions, depuis les rapports industriels USA-Mexique, jusqu’aux droits de la femme dans la société mexicaine…

     

     

     Avant de s’intéresser au phénomène proprement dit, il faut rappeler le contexte dans lequel il sévit...

    Ciudad Juárez se situe à la frontière des États-Unis (Texas) et du Mexique, dans une zone où se développent les maquiladoras. Il s’agit d’entreprises américaines qui s’installent sur le sol mexicain à la frontière pour bénéficier de la main-d’œuvre à moindre coût formée par les Mexicains qui espèrent y trouver une source de revenue supérieure à la moyenne de leur pays.

      Une tendance de ces dernières années : les maquiladoras embauchent une majorité de femmes – il semblerait qu’elles soient plus aptes à réaliser le travail manuel demandé dans ces industries  ; mais une chose est sûre, c’est qu’elles sont plus dociles car elles ne protestent pas et supportent plus la pression de leurs supérieurs car elles craignent d’être renvoyées et de se retrouver sans emploi dans un pays où la pauvreté compte si peu de portes de sortie…

     

     Les féminicides…

    Comme le nom l’indique, les victimes de ces actes criminels sont des femmes. Il s’agit d’un type de violence spécifiquement infligé aux femmes, généralement jeunes (entre 10 et 35ans…), vivant dans la province de Chihuahua. 

    Depuis environs 14ans, des centaines de femmes ont été kidnappées, torturées, violées et assassinées, souvent à la sortie du travail alors qu’elles finissaient leur journée dans les maquiladoras et retournaient à leur domicile… Les chiffres ne sont pas définitifs et les sources ne s’accordent pas, mais il y aurait entre 1 060 et 3 100 cas recensés depuis le début de cette déferlante.

     

     Les actions entamées…

    Le FBI, la Commission nationale des droits de l’homme et d’autres associations comme « Casa Amiga » (littéralement « Maison amie »), « Nuestras hijas de regreso a casa » (« Nos filles de retour à la maison »), « Justicia para nuestras hijas » (« Justice pour nos filles »), etc. apportent leur soutien aux familles des victimes et prennent part aux enquêtes pour retrouver les criminels. Toutefois, le phénomène n’est toujours pas enraillé et les autorités mexicaines sont accusées d’incompétence, si bien que la population réclame de plus en plus une aide américaine pour venir à bout de cette situation qui reste décidément hors de contrôle. Les sources des féminicides demeurent opaques car liées à diverses problématiques :

    -        ¤  les conditions de pauvreté extrêmes d’un grand nombre de Mexicains ;

    -        ¤  l’impératif économique et stratégique qui stimule le recours aux maquiladoras, situées dans des zones mal protégées et qui offrent de mauvaises conditions de travail ;

    -        ¤ le trafic de drogue sur lequel on ne peut pas faire l’impasse lorsqu’on évoque la frontière entre les deux pays ;

    -        ¤ la situation des femmes dont les droits sont encore trop souvent bafoués.

     

     À propos des féminicides de Ciudad Juárez…

    ¤ On the Edge : un documentaire réalisé par Steev Hise qui présente la situation à Ciudad Juarez de manière très détaillée. (Plus d'infos sur le site.)

    ¤ Nuastras hijas de regreso a casa : site de l’association créée pour protester contre les meutres.

    ¤ Feminicidios en Ciudad Juárez : une page Wikipedia très détaillée.

      

     Et pour finir, voici un poème parmi tant d’autres… ¿POR QUÉ A MÍ? / Pourquoi moi ?

    Un poème écrit par Nakarowari Leal Ortiz, une femme de 25ans, étudiante et femme de ménage, l’une des rares à avoir survécu à une de ces attaques féminicides

    (Traduction française par mes soins )

     

    "Nunca pensé que esto me pasaría    / Je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait

    Que alguien me explique qué hago aquí  / Que quelqu’un m’explique ce que je fais ici

    Que alguien me diga qué mal cometí / Que quelqu’un me dise ce que j’ai fait de mal

     

    ¿Por qué nadie me ayudó cuando grité en aquel lugar?   / Pourquoi personne ne m’a aidé quand j’ai crié dans ce lieu

    ¿Acaso nadie escucha mis gritos?  / Peut-être que personne n'écoute mes cris ?

    ¡Soy una mujer!  / Je suis une femme !

    ¡Alguien haga algo!  / Que quelqu’un agisse !

    Por favor deténganse, estoy viva.   / Arrêtez-vous s’il-vous-plaît, je suis en vie.

     

    Mamá, perdóname,  / Maman, pardonne-moi,

    Siempre quise ser una buena hija.   / J’ai toujours voulu être une fille exemplaire.

    Que todos me perdonen si alguna vez les hice daño.  / Pardonnez-moi tous, si jamais je vous ai fait du mal.

    Que el cielo me perdone si me olvidé de mirarlo. / Que le ciel me pardonne si j’ai oublié de le contempler.

    ¡Quiero vivir! / Je veux vivre !

    Y no se cuál fue mi pecado.  / Et je ne connais pas ma faute.

     

    Dios, no me abandones.  / Ne m’abandonne pas mon Dieu.

    No soy la más creyente,  / Je ne suis pas la plus fervente croyante,

    Pero siempre te tuve presente.  / Mais je t’ai toujours accordé une place dans ma vie.

     

    ¿Dónde están todos?     /  Où sont-ils tous ?

    ¡Quiero otra oportunidad!  / Je veux une nouvelle chance !

    Me falta mucho por hacer.  / Il me reste tant à faire.

    Lo único que quiero es mi libertad.  / Je ne demande que ma liberté.

     

    Estoy atada por un desprecio que no comprendo. / Un mépris dont j’ignore le motif me retient prisonnière.

    Me están robando mis sueños.  / Ils me volent mes rêves.

    Ya no sé qué me duele más...  / Je ne sais plus quelle douleur est la plus forte…

    El cuerpo, el alma o saber de la forma más brutal / Mon corps, mon âme, ou découvrir si violemment 

    que por ser mujer me van a matar. / qu’ils vont me tuer parce que je suis une femme ?

     

    Seré mejor,  / Je m’améliorerai,

    Te lo prometo, Señor.  / Je te le promets, Seigneur.

    Impide que me vuelvan a tocar.  / Empêche-les de me toucher encore.

    Me van a destrozar. / Ils vont me détruire.

    ¿Por qué de nada me sirve rezar?   / Pourquoi les prières ne me sont d’aucun secours ?

    Ya ni siquiera puedo gritar.   / Je ne peux même plus crier.

     

    A mí me enseñaron que podía ser fuerte   /   On m’a appris que je pouvais être forte

    Y que podría llegar a donde quisiera con mi voluntad.  / Et parvenir à mes fins grâce à ma volonté.

    ¡¡¡Pero en este momento no puedo!!!   / Mais à cet instant, je ne peux pas !

     

    Esto es monstruoso.  / C’est monstrueux.

    Diabólico es poco.  / Diabolique, c’est peu dire.

    Nunca imaginé esta clase de animal. / Je n’ai jamais imaginé que de tels animaux pouvaient exister.

    ¿Por qué me odian tanto?  /  Pourquoi me détestent-ils tant ?

    ¿Por qué odian mi cuerpo?  / Pourquoi détestent-ils mon corps ?

     

    ¡Ya no, por favor!  /  C’est assez, s’il-vous-plaît !

    ¡Ya déjenme en paz!  /  Laissez-moi en paix maintenant !

    ¿Qué quieren de mí?   / Que me veulent-ils ?

     

    Esto debe ser una pesadilla  /   C’est certainement un cauchemar

    ¿Y si recuerdo lo mejor de mi vida? / Et si je me remémorais les meilleurs instants de ma vie ?

    Tal vez disminuya el dolor. / Cela réduirait peut-être la douleur.

    Piensa, piensa...   / Souviens-toi, souviens-toi…

    ¡No!... debo seguir luchando.   / Non ! je dois continuer de me battre.

    ¿A qué hora despertaré?  / A quelle heure me réveillerai-je ?

    ¿Nadie vendrá por mí? / Quelqu’un viendra-t-il me secourir ?

     

    Porque ya no tengo fuerzas para seguir…  / Car je n’ai plus la force de continuer…"

     

    W.P

     

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